Interception des canines incluses: Effet de l’extraction des canines primaires.
Pathogénèse et prévalence d’une canine incluse
Les canines incluses en position palatine est un problème de développement de la dentition d’origine génétique. Par contre, la pathogenèse du déplacement vers le palais implique la notion de temps (durée) et l’obstruction mécanique du chemin d’éruption.
La prévalence d’une canine incluse en position palatine est de 2-3% dans la population générale (caucasien). Par contre, lorsqu’un membre d’une famille reçoit un diagnostic d’une canine incluse, les chances qu’un autre membre de la famille ait une canine incluse sont de 40%. En terme clair, si un parent a déjà eu une canine incluse, les chances sont très élevées que ses enfants aient aussi une canine incluse ou encore si infant reçoit un diagnostic d’une canine incluse, il y a de bonnes chances qu’un frère ou une soeur ait aussi une canine incluse.
Diagnostic
Toutes les canines ne vont pas nécessairement faire éruption en direction du palais ou demeurer en position horizontale et rester “incluse”. Rappelons que la prévalence des de l’ordre de 2%-3% de la population. De plus la fréquence de l’inclusion en position palatine par rapport à l’inclusion en position vestibulaire (buccale) varie de 2:1 à 9:1 selon diverses études.
La prévention commence par un diagnostic et pour faire un bon diagnostic il faut, au minimum, un panogramme.
Dès l’âge de 9-10 ans, il est possible d’évaluer, sur un panogramme, le risque de malposition d’une canine.
Lorsque l’on observe une superposition de la canine avec l’incisive latérale comme sur les 2 radiographies précédentes, cela signifie que la canine est en position palatine, auquel cas on peut généralement la palper au palais tel qu’indiqué par les cercles sur la photo de gauche. Voir cas clinique #2.
Canines vestibulaires
Lorsque les canines sont en position vestibulaire, on observe souvent une bascule des incisives latérales vers l’avant, car la couronne de la canine est au buccal de leur racine. Dans ces cas on peut généralement palper les bosses canines dans le vestibule au buccal des incisives latérales.
Évaluation des chances de succès pour l’auto éruption
Les meilleurs prédicteurs d’une éruption naturelle d’une canine incluse, après l’extraction de la canine primaire, sont:
1- La distance entre la pointe de la canine et le milieu d’arcade.
Plus la pointe de la canine est près du milieu, moins les chances d’auto éruption sont bonne.À 6 mm ou moins du milieu d’arcade, une exposition chirurgicale sera nécessaire.
Sur un panogramme, cela signifie qu’une canine dont la pointe est située plus près de la racine de la centrale ou vis-à-vis de la centrale a moins de chance de faire autoéruption.
2- La distance entre la pointe de la canine et le plan occlusal.
Plus la pointe de la canine est haute moins les chances d’auto éruption sont bonnes.
3- L’inclinaison de la canine
Plus la canine est inclinée mésialement, moins les chances d’auto éruption sont bonnes.
4- L’âge au moment du diagnostic et l’interception
Le diagnostic et l’intervention doivent être faits vers 10-13 ans. Les patients de 10-11 ans ont un meilleur taux de succès que ceux de 12-13 ans.
Étapes de la prévention des canines incluses
1- Extraction des canines primaires
2- Expansion palatine
Dr Ericson et Dr Kurol (EJO 1986, AJODO 1987) furent les premiers à recommander l’extraction des canines primaires comme mesure interceptive lorsque le diagnostic d’une inclusion canine était fait.
Bazargani et Coll (AO 2014) ont publié une étude prospective randomisée d’un groupe de 24 patients ayant une inclusion bilatérale de leurs canines (48 canines palatines). Après randomisation, une seule canine primaire fut extraite pour chaque patient. Un suivi avec une radiographie panoramique était fait à 6, 12 et 18 mois.
Les résultats démontrent un taux de succès de 67%, c’est-à-dire une éruption favorable de la canine permanente, lorsque la canine primaire est extraite contrairement à 42% de taux d’éruption favorable dans la canine primaire n’est pas extraite. La différence entre le groupe “extraction de canine primaire versus le groupe non-extraction est significative (p =.037).
De plus, cet effet est plus prononcé si l’intervention d’extraction de la canine primaire est faite tôt (10-11 ans) comparativement à l’âge de 12-14 ans. Cette étude a aussi démontré l’importance de maintenir l’espace durant la période d’observation .
Armi et coll (AO 2011) ont analysé l’effet de l’expansion palatine seule et l’effet de l’expansion palatine et d’une traction extraorale cervicale sur l’éruption de canines incluses. Les résultats démontrent un taux d’éruption avec succès des canines de l’ordre de 82% à 87%. Ainsi, l’expansion du maxillaire et le maintien du périmètre d’arcade en prévenant (empêchant) la migration mésiale des dents postérieures sont des moyens efficaces pour prévenir une impaction des canines permanentes.
Bacetti et Coll (EJO 2011) ont comparé l’effet de l’expansion palatine (ou d’un mainteneur d’espace de type arc transpalatin) combiné avec l’extraction des canines primaires sur la prévention des inclusions canines. Les résultats démontrent une prévalence d’éruption des canines permanentes de 80% dans le groupe expansion/arc transpalatin/extraction des canines primaires. Le groupe ayant subi l’extraction des canines primaires seulement démontre une prévalence d’éruption de 62% des canines incluses. Le groupe contrôle, qui n’a reçu aucun traitement, a une prévalence d’éruption de seulement 28% des canines permanentes.
En d’autres termes, si on fait l’extraction des canines primaires, on a 2 fois plus de chances que la canine permanente fasse éruption normalement et si on fait de l’expansion palatine et l’extraction des canines primaires, on a près de 3 fois plus de chances que la canine permanente fasse éruption normalement.
Cas cliniques
Cas #1 Sarah
Cette radiographie d’une fillette de 9 ans démontre une position ectopique de la 1re prémolaire supérieure gauche (#24) et une canine #23 dont l’angulation et la hauteur sont différentes de la canine controlatérale.La patiente et ses parents sont avisés du risque d’inclusion et d’éruption ectopique. Une première phase de traitement pour rétracter les dents antérieures et fermer le diastème interincisif est faire.
Le suivi 3 ans plus tard démontre l’inclusion de la dent 23 alors que la canine controlatérale a fait éruption. Nous recommandons alors l’extraction de la dent primaire #63.
La patiente réapparait pour un suivi 2 ans plus tard. La canine #23 s’est redressée et amorce son éruption entre l’incisive latérale et la 1re prémolaire.
Un traitement majeur a été amorcé et comprend une phase d’expansion palatine. La radiographie de suivi à 10 mois démontre une évolution favorable de la canine. La canine a fait éruption sans avoir eu besoin d’une exposition chirurgicale et de traction orthodontique.
Cas #2 Janie
Le cas de Janie est intéressant. Le diagnostic fut posé tôt, 10 ans 1 mois. Nous avons procédé à une phase d’expansion palatine rapide et à l’extraction des deux canines primaires, 53 et 63.
Lors de la dépose de l’appareil d’expansion, 7 mois plus tard, un nouveau panogramme permet de voir l’évolution des canines. On remarque que la canine droite s’est redressée et s’oriente dans l’espace d’extraction de la canine primaire. On ne peut en dire autant de la canine gauche qui est légèrement plus inclinée mésialement et est encore engagée à l’arrière de la racine de l’incisive latérale.
Une nouvelle radiographie 7 mois plus tard démontre une évolution favorable de la canine droite et défavorable de la canine gauche. Une ligature chirurgicale et une traction orthodontique sont nécessaires pour la canine gauche (#23).
Ce cas illustre bien les principes d’interception des canines incluses. Rétrospectivement, on remarque que la canine gauche était plus inclinée mésialement et possiblement plus près du milieu d’arcade. Le pronostic d’autoéruption pouvait être moins bon. Il était justifié de faire de l’expansion palatine et l’extraction des canines primaires, mais il est bon de se rappeler que ces 2 procédures ne dépassent 85% de succès, ce qui est déjà très bien. D’autres variables expliquent donc le non-succès de cette procédure. Voir section évaluation des chances de succès.
Cas #3. Canine mandibulaire incluse.
Voici un cas de canine mandibulaire incluse, courtoisie du Dr Daniel Leblanc.
La radiographie de 2013 démontre la canine #33 quasiment horizontale par rapport à la canine controlatérale.
Le suivi radiologique à 2 ans confirme l’orientation mésiale de la canine. La dent #34 commence à résorber les racines de la 1re molaire primaire. Nous procédons alors à l’extraction de la dent #74 afin de hâter l’éruption de la #34.
Le suivi radiologique à 9 mois (septembre 2015) démontre la présence de la dent #34 en bouche.
Les suivis radiologiques subséquents, pris à un an d’intervalle, démontrent un redressement significatif de la dent #33.
Il est permis d’espérer que la canine fera éruption sans procédure chirurgicale. Elle sera peut-être en ectopie au buccal de l’incisive latérale, mais elle ne sera pas incluse.
Bibliographie
Naoumova J, Kurol J, Kjellberg H. Extraction of the deciduous canine as an interceptive treatment in children with palatal displaced canines – part I: shall we extract the deciduous canine or not? Eur J Orthod. 2015 Apr; 37(2):209-18. Epub 2014 Sep 22.
Naoumova J, Kürol J, Kjellberg H. Extraction of the deciduous canine as an interceptive treatment in children with palatally displaced canines – part II: possible predictors of success and cut-off points for a spontaneous eruption. Eur J Orthod. 2015 Apr; 37(2):219-29. Epub 2015 Feb 19.
Baccetti, Tiziano, Lauren M Sigler, and James A McNamara. « An RCT on Treatment of Palatally Displaced Canines with RME And/or a Transpalatal Arch. » Euro J Ortho, 2011; 33, no. 6)
Armi, Pamela, Paola Cozza, and Tiziano Baccetti. « Effect of RME and Headgear Treatment on the Eruption of Palatally Displaced Canines: A Randomized Clinical Study. » AO, 2011: 81, no. 3.
Ericson, S, and J Kurol. « Early Treatment of Palatally Erupting Maxillary Canines by
Extraction of the Primary Canines. » Eur J Ortho1988; 10, no. 4:
283-95Bazargani, Farhan, Anders Magnuson, and Bertil Lennartsson. « Effect of Interceptive Extraction of Deciduous Canine on Palatally Displaced Maxillary Canine: A Prospective Randomized Controlled Study. » AO 2014; 84, no. 1, 3-10
Bonjour, je voudrais ajouter votre article à ma bibliographie, dans le cadre d’un travail académique, puis-je avoir la référence de votre article, hors du site internet. Je vous remercie d’avance. Cordialement.
Les références bibliographiques sont jointes à la fin de l’article. Cet article ne se retrouve pas dans une revue. Vous pouvez le citer en utilisant l’hyperlien.
bonsoir,je trouve votre article très intéressant et je voudrais le citer dans le bibliographie d’un travail de recherche que fais en ce moment. Je vous demande,si c’est possible de bien vouloir m’envoyer les références de cet article,et d’autres articles concernant l’interception de l’inclusion de la canine supérieure.Je vous remercie pour tout ce que vous faites pour le progrès scientifique et spécialement celui de l’orthodontie. Cordialement
Oui vous pouvez cette article en donnant le lien de la page web. Pour ce qui est de la bibliographie, les articles qui on servi à écrire cette page sont cités à la fin de la page web.
Bonsoir
J’ai 29 ans j’ai une dent incluse la canine du haut. Ma dent primaire est toujours là mais elle n’a plus de racine. On me propose de venir tracter la dent… Est til possible plutôt de faire une extraxtion puis de mettre un implant ? Merci
L’extraction de la canine permanente et la pose d’un implant est vraisemblablement la pire solution.
Bonjour. Ma fille a ses canines incluses palatines. Sur la radio, on voit bien les racines de ses canines primaires ne sont pas résorbées, elles sont aussi longues que les racines des dents permanentes. Si on extrait ses canines permanentes quels seraient les effets a long terme? Peut elle garder ses canines primaires toute sa vie? Esthétiquement, elle est satisfaite de son apparence, ses dents sont droites. Elle a 12 ans. Merci
Extraire les canines d’adultes est la plus mauvaise idée à avoir. L’extraction des canines primaires devrait être faites le plus rapidement possible pour favoriser une autoéruption des canines d’adultes.
Non elle ne pourra pas garder ses canines primaires toute sa vie.
Merci pour votre réponse. Vous pensez que ses dents d’adulte peuvent se replacer d’elles-mêmes si on extrait les canines primaires? Il y en a une qui commence à percer son palais…
Conservez les dents primaires est la meilleur façon d’avoir une mauvaise position des canines adultes. Extraire les canines primaires améliore les chances d’éruption des canines permanentes, mais ça ne signifie pas que leur position sera idéale.
Si une canine permanente commence à percer le palais, je ne comprends pas pourquoi votre dentiste ou orthodontiste attend pour extraire les canines primaires.