Résorption condylienne idiopathique
Histoire de cas
Un homme de 22 ans a subi des examens IRM et CBCT qui démontrent la résorption de son condyle droit. Il a eu une douleur à l’articulation droite il y a environ 1 an et demi et la douleur s’est exprimée de façon plus intense il y a environ 6 mois. Ce jeune homme avait reçu un traitement orthodontique à l’âge de 13 ans et un bruit articulaire avait été noté à cette époque.
Pour connaitre l’histoire complète, suivre ce lien: cliquez ici.
Voici mon analyse point par point.
1— Le bruit articulaire observé vers l’âge de 13 ans était vraisemblablement le signe d’une luxation discale réductible. Cela est fréquent chez les adolescents et ne porte souvent pas à conséquences. Les causes sont multifactorielles. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans le détail dans cette chronique.
2— La douleur ressentie il y a un an et demi (1 ½) est l’élément important à retenir. Il est probable que votre fils a eu ce que l’on appelle une luxation discale non réductible (le disque reste bloqué en avant de l’articulation). Voir sur YouTube: TMJ anterior disc displacement without reduction.
Il est probable que votre fils ait eu de la difficulté à ouvrir la bouche et qu’elle déviait du côté qu’il avait mal. C’était le début d’un mécanisme de blessure chronique qui a provoqué de l’inflammation dans l’articulation.
3— L’inflammation change la viscosité du liquide synovial qui est conçue pour lubrifier l’articulation. Les chercheurs ont démontré la présence de radicaux libres lorsqu’il y a inflammation. Des cytokines sont sécrétées, elles activent les ostéoblastes qui, à leur tour, activent les ostéoclastes. Les ostéoclastes sécrètent des protéinases (matrix metalloprotéinases (MMPs)). Ce sont des endopeptides qui dégradent la matrice extracellulaire du collagène et de l’élastine des surfaces articulaires de l’ATM. Il se produit de la résorption.
4— La susceptibilité d’un individu à la résorption condylienne dépend de plusieurs facteurs: genre (mâle, femelle), l’état nutritionnel (anorexie, boulimie), la génétique (hérédité), les habitudes péri-orales (gruger les ongles ou les cuticules, serrer les dents, mâcher de la gomme) et la compression iatrogénique.
5— Un article de Gunson et Arnett récemment accepté pour publication discute d’une approche pharmacologique pour le contrôle de la résorption des condyles mandibulaires: bloqueurs de cytokine, contrôle des MMPs, inhibiteurs des prostaglandines et leukotriènes, inhibiteurs de récepteurs IL-6.
Les recherches sont donc très prometteuses.
Wolford recommande le repositionnement et la ligature du disque à l’arrière du condyle. Le tissu en excès de la zone bilaminaire (postérieure au disque) est coupé et enlevé.
Le disque est mobilisé et repositionné. Deux fils à sutures Ethibond sont insérés dans les les oeilletons de l’ancre Mitek. L’ancre est insérée à l’arrière du condyle à 8 mm du sommet, latéralement au centre du condyle. Les sutures sont attachées au bord postérieur du disque.
6— En ce qui concerne votre fils, je recommande une formule sanguine complète, le dosage du facteur Rh et des antigènes de surfaces, le taux de sédimentation, le taux de testostérone. Je recommande aussi une scintigraphie au Tc99 afin de déterminer s’il y a un turnover osseux plus élevé à droite.
Le port d’une plaque est utile pour réduire les parafonctions. La physiothérapie est indiquée. La prise d’anti-inflammatoire est indiquée (Celebrex, Feldene). Veuillez consulter un médecin ou un rhumatologue à cet égard.
De nouvelles radiographies devront être reprises dans 6 mois et 1 an et un CBCT dans 1 an.
7- En résumé, votre fils a de l’arthrose de l’ATM droite. Cela est d’ailleurs confirmé par les examens qu’il a subis. Cela peut prendre jusqu’à 6 ans avant qu’il n’y ait stabilisation de la résorption.
Image clinique
Voici les photos cliniques d’un cas semblable décrit plus haut. La béance antérieure est indiquée par les flèches noires. L’autorotation postérieure est indiquée par la flèche bleue. La résorption du condyle est indiquée par la flèche verte et la résorption de l’éminence est indiquée par la flèche bleue.
Références:
Wolford, L. M., Dhameja, A., Planning for Combined TMJ Arthroplasty and Orthognathic Surgery, Atlas of the Oral and Maxillofacial Surgery Clinics,2011, v.19 #2, 243-270 Current Concepts in Temporomandibular Joint Surgery
Gunson,M.J., William Arnett, G.W., Milam, S.B. Pathophysiology and Pharmacologic Control of Osseous Mandibular Condylar Resorption, JOMS 2011, In press.
Merci beaucoup pour vos réponses très complètes.
Le spécialiste en médecine nucléaire a noté que mes atm étaient normales suite à ma récente scintigraqphie osseuse.
J’attends une la planification de mon chirurgien maxillo-facial pour une opération de la mâchoire supérieure pour rattraper l’aplatissement post-op de 3mm des condyles (avancé mandibulaire mai 2015).
Me conseilleriez-vous d’aller faire une résonance magnétique pour voir l’état des disques avant de prendre une décision?
Un résultat de scintigraphie négatif signifie qu’il n’y pas d’activité de remodelage osseux (résorption en ce qui vous concerne). Une résonance magnétique pourrait être utile pour identifier la position et l’état des disques articulaires et la gravité de la résorption. Une tomodensitométrie numérique à faisceau conique est un très bon moyen de voir le volume et la forme des condyles.
Il appartient à votre chirurgien de décider du plan chirurgical et des examens complémentaires dont nous venons de discuter. Une réopération ne signifie pas qu’il n’y aura pas un réveil du processus de résorption.
Il est important de statuer que votre état est stable depuis 1 an voire 2 avant de réopérer.
Selon Wolford, les mouvements chirurgicaux recommandés sont une avancement bimaxillaire avec rotation antihoraire du complexe maxillomandibulaire et repositionnement discal. Peu de chirurgiens font des repositionnements discaux de routine ou en concomitance avec la chirurgie bimaxillaire.
Bonjour Docteur Chamberland,
Je voulais savoir si une malocclusion type « open bite » pouvait expliquer une résorption condylienne…
Ou si c’était plutôt l’inverse : une résorption des condyles qui provoquerait un « open bite ».
Si les deux cas existent, comment traiter le problème ?
Merci beaucoup
Bien cordialement
Résorption condylienne et béance antérieure
Ce n’est pas aussi simple que vous le dîtes.
1- Il est vrai qu’une résorption condylienne bilatérale comme dans le cas présenté dans la photo de gauche cause une béance antérieure.
2- Si la résorption condylienne est unilatérale, on observe souvent une béance antérieure controlatérale (du côté opposé à la résorption).
3- Il est possible d’avoir une béance antérieure sans qu’il y ait nécessairement une résorption condylienne.
4- Par défaut, si on observe une béance antérieure, il est essentiel de suivre l’évolution des condyles.
5- La radiographie de droite représente l’état des condyles complètement résorbés du cas clinique illustré sur la photo de gauche.
Ce patient a reçu des prothèses totales des 2 articulations temporomandibulaires.
Microrami
Une résorption condylienne bilatérale cause une rétrusion progressive de la mandibule, une réduction de la hauteur de la branche montante (microrami) et une diminution de la largeur de oropharynx augmentant le risque d’apnée du sommeil.
Sur la radiographie de gauche, la plus grande barre horizontale représente la 2e vertèbre cervicale. Normalement, l’angle goniaque est situé à cette hauteur. La résorption des condyles a causé un raccourcissement de la branche montante de sorte que l’angle goniaque se trouve à hauteur de la 1re vertèbre cervicale. La petite barre horizontale indique la largeur du tractus oropharyngé. il faut avoir normalement 10 à 15 mm. Dans ce cas, il y a à peine 5 mm de largeur.
Remarquez la distance entre les racines des dents postérieures supérieures et le palais comparativement au cas suivant où cette distance est augmentée.
Condyle normaux et béance antérieure
Comme je le mentionnais au point 3, il y a des patients qui présentent une béance antérieure mais dont les condyles sont normaux et ne présentent aucun signe d’arthrose.
La photo à gauche représente une béance antérieure.
La radiographie à droite montre des condyles de formes normales.
Excès vertical du maxillaire
Dans ce cas-ci la béance s’explique par un excès vertical du maxillaire. Observez, sur la radiographie céphalométrique de gauche, la grande distance entre les racines des dents postérieures supérieures et le palais. C’est l’indication d’un excès vertical. La longueur de la branche montante est normale et l’angle goniaque est à la hauteur de la 2e vertèbre cervicale.
Vous pouvez aussi comparé avec le tracé céphalométrique du cas précédent avec résorption des condyles. Il est facile de constater que l’angle goniaque est au niveau de C2 et que l’espace oropharyngé est plus large.
Ces deux cas illustrent une malocclusion avec béance antérieure, mais deux étiologies totalement différentes. Dans le 1er cas, la béance antérieure s’explique par la résorption condylienne. Dans le 2e cas, la béance s’explique par un excès vertical du maxillaire supérieur.
Le cas avec résorption a nécessité le remplacement des articulations par des prothèses totales customisées.
Le 2e cas a subi une chirurgie orthognathique bimaxillaire conventionnelle avec repositionnement supérieur du maxillaire, ostéotomie mandibulaire et génioplastie.
Merci beaucoup pour cette réponse très précise et détaillée. Les choses sont beaucoup plus claires pour moi.
Faites vous des consultations longue distance ? Prenez vous de nouveaux patients
En effet, j’aimerais avoir votre avis sur mes radiographies et scanners.
Bien cordialement
Je ne peux pas faire une consultation à distance, bien qu’il m’arrive d’analyser des radiographie que les gens m’envoie via facebook.com/drsylvainchamberland.
Étant donné la nature de votre problème, il serait préférable que je vous examine en personne. Nous acceptons les nouveaux patients.
Résorption condylienne idiopathique versus arthrite rhumatoïde juvénile
Les cas qui sont présentés dans cet article ne sont pas syndromiques et exclus de facto les cas de résorption qui peuvent être expliqués par de l’arthrite rhumatoïde juvénile. Par contre, la pathophysiologie de l’arthrose est la même dans les 2 cas.
Fibrocartilage
Le fibrocartilage subit une dégénérescence et le cortex osseux devient exposé et il se produit des lacunes de résorption où la couche corticale osseuse disparait. Il y a ensuite déminéralisation de l’os sous le cortex.
Le disque joue un rôle de protection des surfaces articulaires et il n’est pas rare d’observer une luxation discale (réductible ou non) associée à de la résorption condylienne. C’est certainement le cas dans les résorptions graves.
Il faut tenir compte du fait que de nombreux patients asymptomatiques ont des déplacements discaux et que des patients avec une dégénérescence des articulations ont des disques qui ne sont pas nécessairement déplacés.
C’est un peu comme l’oeuf ou la poule. Qui est survenu en premier?
Je ne peux nier qu’un déplacement discal soit un facteur prédisposant à de la résorption condylienne (parmi d’autres facteurs), mais j’ai un doute raisonnable de croire qu’il y a probablement un changement arthritique de la forme du condyle initialement qui prédispose au déplacement discal et qu’une fois le disque déplacé, se poursuit la cascade de réponse inflammatoire-résorption osseuse.
Qui est susceptible d’avoir de la résorption condylienne?
Les patients ayant de la résorption condylienne se retrouvent principalement dans 2 catégories:
1- Ceux qui ont une manifestation spontanée de résorption condylienne durant l’adolescence, plusieurs d’entre eux se retrouvent dans une clientèle orthodontique. La résorption peut se manifester durant le traitement ou après le traitement orthodontique.
2- Ceux qui ont subi une chirurgie orthognathique pour la correction d’un des problème suivant: béance antérireure, rétrognathie mandibulaire, excès vertical antérieur. Dans leur cas, les problèmes de résorption surviennent de 3 à 6 mois post-chirurgie.
Bonjour,
j’ai subi 5 ans d’orthodontie associé à une avancée mandibulaire autour de mes trente ans. Le chirurgien m’a avancé la mâchoire du bas de 11mm sans rien toucher en haut ainsi qu’une génioplastie. Je n’ai pas eu de contention après l’arrêt de mon traitement orthodontique et le chirurgien m’a dit que c’était une opération infaillible et qu’il n’était pas utile que je le revois. Il est d’ailleurs parti à la retraite depuis.
Il me manquait aussi trois prémolaires, je n’avais que deux minuscules dents de sagesse en haut et aucunes en bas. La mandibule en arrière et les agénésies sont familiales, mais j’ai présenté une forme plus importante que mes ancêtres et cousins qui n’ont jamais eu de traitement.
Mon problème est que j’ai dû tout recommencer 16 ans après car ma mâchoire inférieure était repartie en arrière et mes incisives supérieures étaient prêtes à se déchausser. J’ai considéré que je n’avais pas le choix si je voulais garder mes dents. Un dentier à 47 ans n’était pas non plus une solution envisageable.
J’ai gardé la même orthodontiste mais j’ai changé de chirurgien. Je leurs ai demandé s’ils avaient une idée de la cause de ma récidive.
Il pourrait s’agir du protocole chirurgical de ma première opération, qui a consisté, si j’ai bien compris, à me mettre un polymère biodégradable dans l’espace laissé par l’avancé mandibulaire qui n’aurait pas fait son office, du coup ma mâchoire ne se serait pas consolidée et elle aurait repris sa place.
Ils ne sont d’ailleurs pas convaincus que cette récidive vienne bien de cela.
Ils m’ont parlé de perte osseuse, sans trop me dire d’où cela pouvait venir, bref, ils ne savent pas.
Ce dernier m’a donc opéré il y a trois semaines. Tout s’est bien passé. Il m’a remis la mâchoire en place. Elle était repartie de 10mm d’un côté et de 4mm de l’autre. Je ne regrette pas cette opération car vu le positionnement de ma mâchoire cela n’allait pas aller en s’arrangeant. Elle craquait tout le temps, je n’osais plus bailler.
Il m’a prescrit des séances de kiné. Et là, la kiné m’a dit que la récidive venait uniquement de la mauvaise position de ma langue.
Je lui ai parlé de cette perte osseuse, de ce polymère qui n’aurait pas tenu, mais pour elle, non, la mâchoire était bien consolidée, mais elle est repartie en arrière, en entier, sans perte osseuse.
Je comprends bien que la mauvaise position de ma langue, qui touche mes dents du haut en permanence, durant la déglutition, la nuit… puisse pousser mes dents du haut, mais comment cela peut faire reculer ma mâchoire du bas ?
Peut-être la mauvaise déglutition ?
Est-ce que la mâchoire se serait mal consolidée après la première opération ou bien est-ce que toute la mâchoire serait repartir en arrière parce que ma langue pousse mes dents du haut et que ma déglutition est très mauvaise ? Comme je ne voudrais pas une seconde récidive, j’aimerai bien comprendre ce qu’il s’est passé, mais je n’arrive pas à avoir de réponse claire.
Perte osseuse, positionnement de la langue, surement un peu des deux…
Comme cette histoire me turlupine je cherche et je viens de lire un commentaire de votre part et je vois « résorption condylienne ». Pourquoi pas, mais je me suis faite opérer à 28 ans et j’en ai maintenant 46. Je n’étais plus adolescente à 28 ans. J’ai eu un enfant avant l’opération, pendant mon traitement orthodontique et deux enfants à la suite de cette opération. Est- ce que cela a pu jouer ?
Ma dernière fille a le même problème que moi. Elle porte pour le moment un appareil de Herbst qui lui allonge la mâchoire, elle a 11 ans. Elle aura ensuite des bagues. Mais on ne nous a jamais parlé de positionnement de sa langue non plus, alors que sa langue a aussi les mêmes défauts de placement que moi, elle déglutit mal, elle pousse ses dents du haut.
Donc, comme me l’affirme ma kiné, si tout vient de la langue, pourquoi ne pas lui prescrire des séances de rééducation linguale en plus de ce traitement ? Il ne faudrait pas que tout reparte en arrière pour elle aussi. Si on ne lui prescrit pas c’est que cela n’est pas si important que cela ?
Est-ce qu’elle peut elle aussi souffrir de résorption condylienne ? Je continue ma rééducation, mais est-ce que cela va suffire pour éviter une récidive, je voudrais en être sûr, pour moi et pour ma fille. J’ai été un peu longue.
Merci de m’avoir lu.
Si vous pouviez m’aider à comprendre la cause de ma récidive, m’éviter une autre récidive pour moi et pour ma fille, enfin comprendre ce qui ne va pas et comment y remédier. Si vous avez des idées. Merci
Bon dimanche Juliette
Votre question est longue et il y a beaucoup d’information à démêler.
1- Il est vraisemblable que vous ayez eu de la résorption condylienne suite à votre 1re opération. Pour valider ce diagnostic, il faudrait que je puisse voir vos radiographies panoramique et céphalométrique.
2- Je ne crois pas que le polymère biodégradable puisse expliquer la récidive. Quel type de fixations osseuses avez-vous eu? Des fils d’ostéosynthèse ou des fixations rigides avec plaques et vis.
3- Je ne crois pas que la mauvaise position de la langue puisse expliquer la récidive que vous avez eue. La mauvaise position de la langue est plutôt une conséquence de la mauvaise relation squelettique de vos mâchoires.
4- Il pourrait être pertinent de rééduquer la langue suite à votre 2e opération. Mais ce serait juste pour réapprendre le fonctionnement dans le nouvel environnement squelettique.
5- Le Herbst est un appareil efficace pour corriger la relation classe II (décalage vers l’arrière de la mâchoire inférieure), mais il ne produira pas de croissance de la mâchoire inférieure. La relation classe II sera corrigé par des déplacements dentaires. Pour en savoir plus, consulter la page comment un appareil fonctionnel corrige-t-il une malocclusion de classe II?
6- Votre fille pourrait recevoir une thérapie de rééducation de la langue, mais je doute que ce soit pertinent. Je recommande rarement ce genre de thérapie.